Il reste tant à faire au pays de l’Oncle Sam. Le peuple des États-Unis a condamné leur président, pour le reste de son mandat, à des compromis. Des compromis avec les représentants républicains et avec les représentants du Tea Party. Edison Research, une maison de sondage, rapporte que les femmes, les classes moyennes, les Blancs, les personnes âgées et les indépendants ont le plus reporté leurs voix sur les républicains. Que reste-t-il à Barack Obama?
Majoritaires à la Chambre des représentants mais minoritaires au Sénat, les Républicains accepteront-ils l’offre de leur président à coopérer pour « répondre aux demandes de la population ». Rien n’est moins sûr. La situation sera difficile mais la longue histoire de ce peuple fait de contradictions montre que rien n’est perdu pour l’actuel président. Barack Obama devra se montrer à la hauteur. Il devra profiter de cet aura que la fonction de la présidence exerce sur le peuple. Il devra doubler d’efforts pour séduire à nouveau son électorat en se montrant un tribun exceptionnel et en se rapprochant des aspirations de la base.
Au cours des deux prochaines années, avant les présidentielles de 2012, il ne suffira à Barack Obama de dire qu’il comprend le profond mécontentement de son peuple. Il devra conjuguer avec l’opposition républicaine et le Tea Party et proposer des solutions efficaces et cela, malgré les obstructions systématiques de ces derniers auxquelles le président devra faire face. Si 62% des électeurs américains affirment que la situation économique était en tête de leurs préoccupations lors du scrutin de mi-mandat, Barack Obama devra s’ajuster à cette réalité. Il devra également convaincre l’opposition que c’est la direction qu’il entend prendre. Et pour cela, il lui faudra obtenir le consensus nécessaire pour mener à termes le redressement économique auquel aspire le peuple américain. Tout le reste ne sera que rhétorique.
Lors de sa rencontre de presse de mardi, il a esquissé le contour des prochaines négociations avec les partis d’opposition : « Dans ces discussions budgétaires, la clé sera de savoir distinguer entre ce qui n’amène pas de croissance, ce qui n’est pas un investissement pour l’avenir et les choses qui sont indispensables pour garantir la croissance future du nombre d’emplois ». Et l’un des grands obstacles que devra éliminer Barack Obama, dans ces discussions, est la question de la fiscalité des individus. Le président avait déjà accordé, à la classe moyenne, 240 milliards de dollars de crédits d’impôts dans le cadre de son plan de relance (foyers dont les revenus n’excèdent pas 250.000 dollars annuels). Abolir les réductions fiscales destinées aux mieux nantis de Georges W. Bush ne sera pas de tout repos. Pour Obama, un pays rongé par les déficits ne peut pas se permettre de « réduire les impôts des millionnaires ». Pour les Républicains, il en va autrement. Compromettre ces réductions aura pour effet de freiner la reprise économique. Deux mondes s’affronteront. Et le peuple attendra la fin de ces débats.
Toute hésitation de Barack Obama qui ferait de ce président un homme faible sera catastrophique. Mais pour cela, il devra être à la fois ferme sans arrogance, et convaincant sans mépris. Et les aveux d’impuissance devront rapidement faire place à des réalisations concrètes : « Nous avons stabilisé l’économie. Nous avons des créations d’emploi dans le secteur privé. Mais les Américains ne ressentent pas les effets de ces progrès ». S’il est vrai que la situation économique dont a hérité Barack Obama était en partie le résultat d’une mauvaise gestion de la précédente administration républicaine, le peuple veut aller au-delà des éternels reproches. « Où sont les emplois? » répétait le Républicain John Boehner, qui deviendra président de la Chambre des représentants. En chômage, le peuple n’a que faire de ces reproches et il n’attend que des décisions orientées sur des créations d’emplois. Chômage qui frôle les 10% de la population active. Et Barack Obama devra faire en sorte que ses décisions et leurs résultats sont bel et bien compris et ressentis par la base aux prises avec des pertes d’emplois, des saisies de leur maison, et le sort peu enviable qui l’attend.
Encore une fois, John Boehner prévient Barack Obama : « Nous espérons que le président Obama va désormais respecter la volonté du peuple, (…) et qu’il s’engagera à faire les changements que (les Américains) demandent ». Cela dit, qui sera le porte-parole des véritables changements attendus par le peuple américain? Les Républicains? À cet avertissement de l’électorat et de John Boehner, Barack Obama a répondu, mardi, que « les américains veulent que l’emploi revienne plus vite, ils veulent plus de pouvoir d’achat, et ils veulent que leurs enfants aient les mêmes possibilités que celles qu’ils ont eues ». Il a compris le message. En bref, la population veut une reprise économique.
Si Barack Obama avoue avoir saisi le message de la population, qu’en est-il des Républicains et du Tea Party? Il ne suffit pas, comme le prétend John Boehner de se draper dans le triomphalisme : « Ce à quoi nous assistons en ce moment à travers tout le pays est un rejet de Washington et des politiciens qui n’écoutent pas le peuple ». Comment le Tea Party, qui se déclare anti-impôts et anti-État, et certains républicains nettement inspirés par une droite radicale se mettront-ils, eux, à l’écoute du peuple? « Il s’agit de diminuer les dépenses au lieu de les augmenter, de diminuer la taille du gouvernement au lieu de l’accroître, et d’aider les petites entreprises à remettre les gens au travail », déclare John Boehner. Est-ce suffisant? Qui peut se targuer de connaître le programme des Républicains pour assainir les dépenses publiques et redresser l’économie?
L’élection de mi-mandat a clairement montré que la mauvaise santé de l’économie américaine préoccupe davantage le peuple que la mauvaise santé des citoyens pauvres et démunis. S’il y a 15 millions de chômeurs aux États-Unis, il ne faut pas oublier qu’il y aussi 32 millions d’Américains dépourvus d’une couverture maladie qui restera aux mains des assurances privées. Un américain sur 7 vit sous le seuil de la pauvreté. Et les Républicains se promettent, s’ils ne peuvent abolir la réforme de la santé, d’en restreindre du moins les applications.
Barack Obama n’aura d’autre choix que de réorienter sa stratégie et se mettre davantage à l’écoute de son peuple. La politique intérieure devra dominer les affaires étrangères et le président devra consacrer ses efforts au redressement de son économie avant de régler les conflits ailleurs dans le monde. Ce qui ne déplaira pas à Israël qui trouvaient contraignantes les pressions de la Maison Blanche pour un gel de la colonisation.
Marshall Ganz, du Los Angeles Times, propose au président Barack Obama de se mettre dès maintenant à cette tâche de se réconcilier avec son peuple : « His No. 1 mission must be to speak for the anxious and the marginalized and to lead us in the task of putting Americans to work rebuilding our future. He must advocate, not merely try to mediate in a fractious, divided Washington. And he must again rely on ordinary citizens to help us move forward ».