François Bayrou – Présidentiable ? Oui. Futur président ? Non!

28 01 2008

L’homme paraît sympathique. Cela étant dit, il convient de ne pas généraliser. François Bayrou n’a pas, non plus, la réputation de plaire à tout le monde. Mission impossible. Il se présente comme résistant. Il invoque la mémoire du Général de Gaulle. Les Françaises et les Français le voient tout de même comme présidentiable mais ne croient pas qu’il sera, un jour, président. Ses ennemis le qualifient de narcissique. Quel homme ce Bayrou ! Il entretient des rapports étranges avec son électorat.

Il n’a jamais cédé aux sirènes du sarkozysme. À telle enseigne qu’il est vu comme un adversaire. Serait-il de la trempe des incorruptibles? Bayrou se présente à la mairie de Pau (Pyrénées-Atlantiques)? Sarkozy se pointe sur les lieux pour annoncer qu’il ne se mêlera plus des municipales des 9 et 16 mars prochains : « Je ne veux pas me mêler du détail des municipales dans chacune des villes de France, ce n’est pas mon travail », déclarait, à Pau, Nicolas Sarkozy le mardi 22 janvier dernier. Un si lourd déplacement pour une si courte déclaration! Cette visite du président de la République a été vue, pourtant, comme une ultime tentative d’isoler le candidat béarnais Bayrou. Et le ridicule a été atteint. « Il y avait trois avions, un pour les journalistes et deux Falcon 900, je ne sais combien de voitures, des forces de police dans tout Pau, douze motards en grand uniforme devant la voiture officielle, tout ça pour venir soutenir Yves Urieta, le maire-sortant ex-PS », s’est exclamé, après coup, François Bayrou devant quelques journalistes. N’eut été de la déclaration présidentielle, aurait-on pu imaginer un déploiement similaire dans les 36.000 communes qui vont élire un maire au début du mois de mars prochain? Question ironique à une déclaration ironique.

Pour ajouter à cette mascarade, Nicolas Sarkozy ne s’est finalement pas rendu à la mairie de Pau pour rencontrer M. Urieta, comme cela avait été initialement annoncé. Au grand désarroi de la population locale qui avait décoré dignement la Place. Le 8 janvier dernier, Nicolas Sarkozy n’avait-il pas rassuré le peuple de France qu’il « s’engagerait » dans ce scrutin? « Je m’engagerai, parce que le concept même d’élection dépolitisée est absurde. Je m’engagerai, à la place qui est celle du président de la République, je peux dire que le Premier ministre s’engagera, à la place qui est celle du Premier ministre, comme les ministres, pour mobiliser notre électorat », avait-il déclaré lors de sa conférence de presse de rentrée, devant 700 journalistes. Imaginons un instant Georges W. Bush, à bord de son Air force One, se rendre à Tucson, en Arizona, pour appuyer un candidat républicain local? Des deux côtés de l’Atlantique, des clameurs auraient franchi le mur du son.

Entre paranthèse, ce retrait annoncé du président, des municipales, n’a pas eu pour conséquence de nuire au candidat Schosteck (UMP) qui est arrivé, dimanche, en tête du 1er tour de la législative partielle des Hauts-de-Seine, avec 44,59% des suffrages exprimés. Le candidat socialiste, Philippe Kaltenbach, est arrivé deuxième (37,41%) et le candidat du MoDem en 3e position, totalise 7,2% des voix.

Selon un récent sondage, réalisé pour le Journal du dimanche, Ségolène Royal et François Bayrou apparaissent comme les opposants les plus crédibles à Nicolas Sarkozy, mais 63% des Français ne pensent pas que le président du MoDem puisse être élu président de la République. Ségolène Royal arrive en tête avec 28% des Français qui la considèrent comme le candidate la plus crédible devant Français Bayrou (25%), le maire socialiste de Paris Bertrand Delanoë (18%) et le porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) Olivier Besancenot (14%). Le défaitisme est au rendez-vous : 13% des personnes interrogées ne voient en aucune de ces personnalités un opposant crédible au président.

Qu’à cela ne tienne. François Bayrou maintient le cap. Il développe l’art de la formule pour dénoncer son et ses adversaires. « La politique du tournis, pour nous, c’est le contraire d’une vraie politique de réforme », déclarait-il début janvier. Et encore : « On a une impression d’improvisation, d’influences contradictoires, de foucades, toujours assénées sur le même ton volontariste. Mais où est la logique, où est la cohérence, où est la préparation, où est la négociation préalable? » Sur le travail et sur le pouvoir d’achat, François Bayrou a son opinion et il l’exprime : « J’imagine que si l’on supprime les 35 heures, c’est pour allonger la durée du travail. Et donc on va remplacer des heures supplémentaires, payées 25% de plus, non chargées et non imposées, par des heures normales, payées 25 % de moins, chargées et imposées ».

Rien ne résiste à François Bayrou. Il n’a pas hésité à comparer la conception de la religion du président français à celle de son homologue américain, George Bush. « C’est le retour que l’on croyait impossible en France du mélange des genres entre l’État et la religion. […] Nicolas Sarkozy affiche chaque fois qu’il le peut sa complaisance avec le matérialisme financier et, en même temps, souhaite faire de la religion une autorité dans l’espace public. […] Cela s’est déjà produit dans l’histoire. Aujourd’hui par exemple, chez Bush ».

Au lendemain de la signature d’un accord, sur l’installation d’une base militaire stratégique française aux Émirats arabes unis, François Bayrou rebondit en déclarant : « L’annonce par le président de la République, sans aucune réflexion publique préalable, sans information du Parlement, que la France allait ouvrir une base militaire interarmes sur les rives du détroit d’Ormuz, constitue un changement très grave de la doctrine et de l’attitude de la France dans cette région. La nature même de cette région, les risques qui sont encourus mettent la France en situation d’être entraînée malgré elle dans un conflit ou dans une succession de tensions très dangereuses », avertit François Bayrou qui voit dans cette initiative la volonté d’intégrer la France dans les concepts géostratégiques américains.

S’il distribue des coups de bâton, François Bayrou en reçoit également. Plusieurs lui reprochent, en se présentant à Pau, de ne pas avoir rejeté le cumul des mandats : il invoque le fait que ses adversaires n’y ont pas, eux-mêmes, renoncé. Cette position de faiblesse pourrait le desservir fort mal. Ses adversaires politiques le jugent sévèrement : « François Bayrou a le génie pour faire le vide autour de lui et que tous ceux qui ont collaboré depuis de longues années à son projet sont partis les uns après les autres », déclarait à son encontre le secrétaire général de l’UMP, Patrick Devedjian. Le ministre de la Défense, Hervé Morin, le président du Nouveau Centre, déclarait au début du mois de décembre, qu’il voyait dans le nouveau Mouvement démocrate (MoDem) de François Bayrou un « radeau de la Méduse », symbole de la « dérive personnelle totale » du dirigeant centriste.

Là où le bât blesse, c’est lorsque les critiques viennent de l’intérieur. Emmanuelle Caminade est institutrice avec une formation juridique. Elle déclare avoir adhéré, pour la première fois, à un parti suite à la campagne présidentielle de François Bayrou. Elle semble déçue. Elle écrit, sur son blogue – France démocrate – : « Force est de constater que la construction de ce nouveau parti n’a rien d’exemplaire ». Elle donne en exemple le déroulement du Congrès fondateur : « Les premiers signes de dérapage apparaissent lors du Congrès fondateur. Ce dernier voit le candidat à la présidence de ce parti diriger lui-même les débats sur l’adoption de ses statuts. A cette occasion, nombre de nouveaux adhérents venant de recevoir la carte qui leur « permettrait de voter à distance » découvrent avec stupeur qu’ils sont exclus du vote ».

Madame Caminade en vient à poser deux questions au chef fondateur du Modem : « Monsieur Bayrou, les adhérents qui se sont engagés derrière vous sont en droit de vous poser deux questions :

  • votre but est-il toujours d’entrer dans l’ère d’une authentique démocratie fondée sur la séparation des pouvoirs?
  • le but principal du Mouvement Démocrate est-il toujours la promotion d’une génération politique nouvelle?

Ces questions seront-elles suivies de réponses du principal intéressé? Nul ne sait. Si François Bayrou s’inquiète de la concentration des pouvoirs entre les mains du président, et dénonce un régime « monarchique », s’il déplore cette « dérive de la Ve République », il doit être le premier à prêcher par l’exemple au sein de son propre parti, le Modem. L’homme, pour sympathique qu’il puisse être, doit regagner la confiance des Français qui le voit présidentiable mais non président. Tout un dilemme. Toute une côte à remonter.

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9 responses

28 01 2008
Françoise

Bonjour Pierre,

Mr Bayrou est, je pense, un honnête homme. Il a le mérite de mettre le doigt là où ça fait mal, bien peu ont le courage de dénoncer les frasques et les contradictions de Mr Sarkozy.

Mais… et bien sûr, c’est ce « mais » qui gêne, il ne « transforme pas l’essai« . Il « navigue » entre opposition et non-opposition (par exemple il fut contre des lois, mais ne vota pas « non » ou s’abstint), le Modem fait liste commune avec l’UMP dans certaines circonscriptions, etc. Pour ma part, j’apprécie l’homme, mais pas trop le « politique » (il est aussi trop pro-UE-libérale — « libérale » au sens français du mot — à mon goût).

Mais sans doute serait-il nettement moins dangereux à la tête du pays, que Mr Sarkozy, et plus sensé que Mme Royal, qui se répand sur les médias avec ses affaires de couple, et qui malgré ses « critiques » approuve implicitement (comme beaucoup de « socialistes« ) le non-référendum, votera pour le « Traité simplifié » et trouve le « rapport Attali » à son goût…

Une petite information sur les voyages de Mr Sarkozy (les « caisses de l’État sont vides, mais pas pour tout le monde…) :

« Ainsi, lors de son déplacement à Dijon consacré au problème de l’insertion, l’Elysée a déployé pas moins de 4 avions ! Deux Falcons présidentiels ont été nécessaires pour transporter le staff et la délégation qui suivait le président de la République dans ce déplacement. Mais un Transall, appartenant à l’armée, a également été mobilisé pour pouvoir transporter la voiture blindée du chef de l’Etat (3,5 tonnes). Un second avion suivait le Transall de l’armée pour transporter… le second véhicule de remplacement au cas où le premier tomberait en panne ! (informations en page 38, du magazine Le Point n°1838 du 6 décembre 2007).
Au final, il a donc fallu 4 avions pour que le chef de l’Etat se rende à Dijon, à 300 km de Paris. […] la ligne budgétaire consacrée aux voyages officiels du chef de l’Etat est passée à 15 millions d’euros pour 2008, soit une hausse des dépenses de 50% par rapport à 2007. Voyager à 3 ou 4 avions par déplacement, cela a bien un coût
. » (Politique.net)

28 01 2008
guy

Vous savez Pierre nous sortons à peine d’une éléction longue et pleine de coups tordus avec des propositions d’alliances entre les uns et les autres énnemis la veille,et des rendez vous fouareux pendant les deux tours entre Royal et Bayrou. Pouah

Bayrou c’est bien ça toujours un train de retard « La politique du tournis, pour nous, c’est le contraire d’une vraie politique de réforme »… des réformes, il y en eu et il y en aura… à commencer par les régime de retraites que personnes ne voulait faire,surtout ne rien changer…

Non vraiment gardons en tète que les éléctions présidentielles c’est en…….2012.

Nous savons bien que les médias se gobergeront à présenter des sondages hébdomadaires qui finalement ne servent pas à grand chose.

Je vais vous dire un secret la surprise pourrait bien provenir d’hommes ou de femmes peu visibles pour l’instant ..comme De Villepin détruit provisoirement par l’affaire Clearstream; ou Strauss Kahn qui va se créer une belle image.Et puis des femmes il y en a comme Rachida Dati

Il peut y avoir des surprises mais Bayrou a perdu l’occasion de se faire élire c’est fini…. Royal aussi.

Les dépenses du président ? de tout temps le président et les ministres se sont servis des avions de la République (ils sont à leur disposition tous les jours à Villacoublay depuis des générations… ce « service » portait le nom de GLAM) il y a des mauvaises habitudes qui ne changent pas dans ce pays.

j’ajoute un lien pour Françoise au cas ou…

(Il y a longtemps que ces annecdotes ne me donnent plus de démangeaisons… tendance à regarder devant et pas sur les cotés).

28 01 2008
Françoise

@ Guy,

Quand on prône des économies sur les dépenses de l’État, on commence par donner l’exemple. Ce n’est pas parce que “ça s’est toujours fait” qu’il faut continuer. On pourrait envisager une “rupture” dans ces mauvaises habitudes, et une “réforme” pour diminuer les dépenses somptuaires… ce serait d’une bonne “politique de civilisation”, non ?

28 01 2008
Pierre Chantelois

Françoise

J’avais déjà lu, dans mes recherches, et à ma grande surprise, qu’il existait en effet des listes communes entre le MoDem et l’UMP dans certaines municipalités. Autre surprise, que vous soulevez bien, madame Royal a décidé de régler des comptes, par la presse interposée, avec son François Holland, non en matière de politique mais de vie matrimoniale. Relativement à Bayrou, comme je l’indiquais, vu d’ici, l’homme apparaît intéressant. Mais il n’est pas sans faiblesses politiques importantes.

Guy

En quatre ans, évidemment, il peut surgir sur la place publique des hommes ou des femmes qui pourraient se présenter contre Nicolas Sarkozy aux prochaines élections. Je n’en doute pas. Bayrou sera-t-il de ceux-là ? Bonne question. Je comprends bien que votre choix ne se porterait pas sur ce choix.

S’agissant des déplacements du président, vous ne trouvez pas qu’il y a un peu d’exagération ? Au Québec, ou au Canada, de tels déplacements sur des trajets si courts souleveraient des débats d’un océan à l’autre. Les dépenses du Premier ministre, contrairement au budget de l’Élysée, doivent être débattus au Parlement. Nous vivons sous le régime britannique. Et l’exécutif doit se justifier dans l’ensemble des dépenses qu’il engage. Je vous invite à consulter le lien que Françoise a laissé dans son commentaire. Vous avez certes raison : il y a des mauvaises habitudes qui ne changent pas dans ce pays.

Pierre R. Chantelois

28 01 2008
guy

Pierre, Françoise

Oui c’est ça « believe it or not » j’ai encore en tète certaines lectures du Canard enchainé d’il y a …..30 ans ! environ

C’était loin de l’époque d’internet il n’y avait que le « Canard » qui épinglait à tour de bras, c’était le seul à l’époque et nos Chers ministres d’alors utilisaient le « Glam » pour des voyages éxhorbitants.

Aucun autre journaux ne s’émmeuvaient de ces dépenses de déplacements. Celà fit grinçer des dents… sans plus

Il y eut de timides éssais pour faire bonne figure mais voilà. Nous sommes dans une république bananière depuis des décénnies.Des envellopes en « liquide » circulait encore il y a peu dans les ministeres…

Pierre : Je n’approuve pas du tout… loin de là. Il y a des éxaspération légitime mais dans ma réponse je voulais juste resituer le contexte de ce phénomène qu’il n’est pas possible de le lier au seul président actuel sans en faire une petite historique pour les jeunes lecteurs!…

Il faudrait plusieurs chapitres de vos carnets Pierre pour évoquer les dépenses de fonctionnement somptuaires des ministères… ne serait-ce que pour la décoration… ou la cuisine servie avec chefs cuistot etc etc…

(Et oui nous ne sommes pas au Canada..à ma grande tristesse. Mais Juillet arrive… à moi le Québec et le 400e)

28 01 2008
Pierre Chantelois

Guy

C’est ainsi que j’avais compris votre message : resituer le contexte. La différence, Guy, et vous l’avez bien souligné, les dépenses du gouvernement sont au coeur des débats du Parlement, à longueur de journée. Les ministres ou le Premier ministre, comme à Londres ou à Ottawa, doivent en répondre. À
ce propos, vous avez pu constater que monsieur Brown, qui croyait pouvoir installer un gouvernement sans taches et sans scandales, a une démission d’un ministre sur les bras. Et cela sera débattu à la Chambre des Communes. Au Canada, à la reprise parlementaire, cette semaine, le Premier ministre devra répondre de ses mensonges de l’Afghanistan. Admettez que la raison qui fait que les voyages du président Sarkozy sont mises en lumière et dénoncées est le fait de la flamboyance de ses déplacements. […] Il a donc fallu 4 avions pour que le chef de l’Etat se rende à Dijon, à 300 km de Paris. […]

Tenez-moi au courant de votre déplacement vers le Québec. Si vous avez besoin d’informations, n’hésitez pas à me le faire savoir.

Pierre R. Chantelois

28 01 2008
guy

Pierre,

« flamboyance de ses déplacements »; oui bien sur la discrétion n’est pas son fort..et c’est bien dommage « .

Le gachis de la France et la France du gachis.!

L’individu » (la personne) est en cause.Apprendra t’il ?Tirera t’il des leçons de ses erreurs c’est encore possible.

Merci de votre offre.(Nous sommes de vieux habitués…) on aura sans doute d’ici là l’occasions de parler de cet « événement » dans vos carnets ?

Avez vous déja parlé ici de la plus haute hautorité de l’état la trés honorable « Michaelle Jean » gouverneur du Canada ? J’ai découvert son éxistence en fouinant sur Wikipédia. Fabuleux parcours pour cette femme ?

28 01 2008
Pierre Chantelois

Guy

Bonne planification pour votre séjour au Québec. Relativement au président Sarkozy, nous sommes d’accord : la discrétion n’est pas son fort. Quant à la question sur madame Jean, en effet, son parcours est intéressant. Toutefois, son intronisation au poste du gouverneur général du Canada ne s’est pas fait dans le calme. Beaucoup de souverainistes lui ont amèrement reproché d’avoir accepté ce poste. Madame Jean et son époux étaient connus des milieux souverainistes qui ont vu comme une trahison son arrivée à Ottawa. Impossible de satisfaire tout le monde, n’est-ce pas ?

Pierre R. Chantelois

29 03 2008
Le moDem agonise. La gauche et la droite se réorganisent! « De ce côté-ci de l’Amérique

[…] conclut Chantal Cutajar. En décembre dernier, la question s’était posée : François Bayrou – Présidentiable ? Oui. Président ? Non ! Nul doute qu’au sein de l’électorat français, depuis les dernières élections […]

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