« Le gouvernement et le peuple chinois s’opposent résolument à quelque activité séparatiste que ce soit du Dalaï Lama à l’étranger, ainsi qu’aux contacts avec les dirigeants étrangers », a déclaré Qin Gang, porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Chine.
C’est reparti ! La Chine entend dicter à Nicolas Sarkozy une ligne de conduite conforme à sa politique de répression contre le Dalaï Lama. Déjà que Nicolas Sarkozy s’est lamentablement écrasé devant Hu Jintao. Pourquoi ne le ferait-il pas une nouvelle fois, même s’il occupe le poste de président de l’Union européenne encore pour quelques semaines. Pour montrer le sérieux de leurs remontrances, les Chinois ont demandé le report du XIe Sommet Union européenne-Chine, prévu pour se tenir le 1er décembre prochain » à Lyon (France).
La Chine prend ombrage d’une prochaine rencontre, le 6 décembre prochain, dans le cadre d’une réunion de Prix Nobel organisée à Gdansk (Pologne), entre le Dalai Lama et le président français, Nicolas Sarkozy, président en exercice de l’UE. Gordon Brown avait pu rencontrer fin en mai dernier le dalaï lama sans provoquer les foudres de Pékin parce que la rencontre avait été qualifiée d’interreligieuse plutôt que politique. Sagesse anglaise ou clairvoyance, c’est selon, n’est-ce pas ? Autre fait à remarquer : les Chinois n’avaient pas réagi aux rencontres qu’a eues le président américain George W. Bush avec le Dalaï Lama. Deux poids deux mesures, c’est clair.
Pékin le souhaite sans le dire : Nicolas Sarkozy doit surseoir une deuxième fois à sa rencontre avec le chef spirituel tibétain. Point. Quel qu’en soit le prix que pourrait payer, au plan intérieur, le président français. Les Chinois aiment bien s’improviser donneurs de leçons. Depuis les Jeux olympiques, le beau vernis sur la surface chinoise s’est depuis estompé, en raison notamment des scandales qui ont ébranlé le gouvernement de Hu Jintao : lait frelaté et autres.
La Chine se fait forte, en d’autres circonstances, de jouer la ligne dure : elle se sait plus que jamais courtisée sur les questions financière et sur la crise qui secoue les pays industrialisés. Ce qui est reproché ici à la France est de n’avoir pas su, comme Gordon Brown l’avait fait auparavant, avertir officieusement les Chinois de cette rencontre future entre Nicolas Sarkozy et le Dalaï Lama. Les Chinois n’aiment pas lire, dans les actualités, les rencontres officielles qui interviennent dans les affaires délicates qui les touchent, comme cette question des séparatistes du Tibet. Mardi, 2 décembre, au cours du Sommet France-Chine, François Fillon et l’avionneur européen, Airbus, devaient signer à l’Elysée d’importants contrats avec les Chinois relativement à la vente de 20 long-courriers A330, en cours de négociation. L’accord signé avec la centrale d’achat chinoise CASGC en 2007 portait sur un engagement de 110 moyen-courriers A320 et de 40 long-courriers A330.
Selon les Chinois, la priorité de l’UE doit-elle d’abord passer par Pékin ou par le Tibet ? Les Jeux Olympiques sont terminés mais les rancœurs sont encore tenaces. La Chine voit en Nicolas Sarkozy une girouette qui tourne au gré du vent. Il n’est pas nécessaire d’être un fin devin pour comprendre l’absence de respect qu’éprouve, à l’égard du président français, la capitale chinoise. Sarkozy a cédé une fois. Pourquoi ne le ferait-il pas une deuxième fois, selon cette même théorie de la girouette, s’interrogent les autorités chinoises ?
Bernard Kouchner n’a que cette réplique à présenter à Hu Jintao : « Nous regrettons cette décision. Nous la comprenons mal ». Il ajoute : « On ne peut pas se laisser dicter, même par des amis, la conduite de la France ». Trop peu trop tard. Pékin détient le maillon fort, la France se situe au centre du maillon faible. Avoir cédé une première fois a suscité des attentes qui iront croissantes et plus exigeantes. Le Quai d’Orsay devrait bien le savoir.
La France n’organise pas les événements du 6 décembre à Gdansk. Il s’agit de cérémonies commémorant le 25e anniversaire de la remise du prix Nobel de la paix à l’ex-président polonais Lech Walesa. Le Dalaï Lama y sera présent comme d’autres prix Nobel y seront présents. Les autorités de Pékin le savent fort bien. Elles ne veulent cependant voir que la seule rencontre du président de l’UE en exercice avec le leader spirituel des Tibétains en exil. L’occasion est trop belle : isoler davantage la France des 27 de l’UE qui reprocheront à cette dernière son éternelle improvisation sur la question du Tibet. Mais cette dernière ne devra pas oublier qu’elle-même avait procédé à l’attribution du Prix Sakharov 2008 au dissident chinois Hu Jia, actuellement emprisonné.
La Chine avait, la semaine dernière, mis en garde la France sur l’impact négatif d’une telle rencontre entre Nicolas Sarkozy et le chef spirituel des Tibétains en Pologne. Nicolas Sarkozy s’était contenté de minimiser l’importance de cette rencontre, indiquant qu’il en parlerait avec Pékin. Dialogue infructueux, tant s’en faut.
Il importe peu à Hu Jintao et à ses caciques que quelque 580 délégués rassemblés, pendant six jours à Dharamsala, aient choisi de s’aligner sur la « voie moyenne » prônée par le chef spirituel tibétain. Qu’importe le fait que le Congrès de la jeunesse tibétaine prône, tant l’impatience grandit, une radicalisation du combat et l’exigence de l’indépendance. Le gouvernement chinois accuse régulièrement le Dalaï Lama de ne pas avoir renoncé à l’indépendance du Tibet. Que le reste du monde préfère la voie diplomatique indiffère totalement les autorités chinoises. Pékin rejette tout principe d’autonomie et exige, au contraire, une complète soumission de la part du Tibet et du monde sur cette épineuse question.
La Chine exige rien de moins que cette soumission se prolonge à l’ensemble des pays qui acceptent de transiger avec le Dalaï Lama. Dont la France. « La France ne cesse de dire que la Chine est un partenaire stratégique. Elle devrait faire plus que les autres pays, respecter sa parole et se donner comme objectif d’avoir un comportement exemplaire », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Qin Gang.
« On a parié sur l’ouverture chinoise et maintenant les Chinois veulent nous humilier et nous mettre à genoux », a lancé Daniel Cohn-Bendit, coprésident du groupe Vert au Parlement européen, qui rappelle que Nicolas Sarkozy avait déclaré, avant les Jeux olympiques de Pékin, que : « on ne peut humilier un quart de l’humanité ». Jean Quatremer cite à nouveau Daniel Cohn-Bendit : « Les Chinois ne vous respectent que si vous leur tenez tête. Sarkozy est humilié : il s’est même rendu avec son fils à la cérémonie d’ouverture pour les amadouer. Pour rien ».