« En confiant à Pékin l’organisation des Jeux, vous contribuerez au développement des droits humains »

18 02 2008

En avril 2001, le représentant du Comité de candidature chinoise aux JO de 2008, avait affirmé « En confiant à Pékin l’organisation des Jeux, vous contribuerez au développement des droits humains ».

Nous sommes à moins de 170 jours du grand événement. Les Jeux olympiques 2008 de Pékin semblent aller bon train. Malgré les commentaires qui s’élèvent de plus en plus dans le monde sur la gestion qu’entend privilégier le gouvernement chinois à l’égard de cet événement international. La démission de Steven Spielberg a remis au goût du jour l’actualité sur ces jeux. Au grand déplaisir des officiels chinois. « Un grand événement sportif à caractère international comme les JO se devait d’être une occasion pour les peuples des divers pays du monde d’approfondir leur amitié. Il est par conséquent inconcevable que les Jeux soient perturbés par des « facteurs politiques », a déclaré Liu Jianchao, porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Chine. Avant de conclure que : « l’activisme politique dans les stades va à l’encontre de l’esprit de la Charte olympique ».

Il n’en demeure pas moins que le Comité olympique chinois a, selon Associated Press, retenu les services de la firme américaine de relations publiques Hill & Knowlton. Car le même jour de la démission de Steven Spielberg, une lettre – reprenant l’essentiel des arguments du démissionnaire et signée par les lauréats du prix Nobel de la paix (Desmond Tutu, Shirin Ebadi), des athlètes et des vedettes (Mia Farrow, Emma Thomson) – était envoyée au président chinois, Hu Jintao. « En tant que partenaire politique, militaire et économique majeur du Soudan, et en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine a à la fois la possibilité et la responsabilité de contribuer à une paix juste au Darfour », écrivaient-ils notamment. « Dans la mesure où le problème du Darfour n’est pas une affaire interne à la Chine, et n’a pas été causé par la Chine, lier les deux (Darfour et JO) est irresponsable et injuste », a indiqué l’ambassade dans un communiqué repris par un journal chinois, le Global Times. Opposition maintes fois exprimée dans le passé par les autorités chinoises.

Nul doute que Hill & Knowlton sauront trouver le bon ton pour répondre à tous ces détracteurs qui gênent la progression des jeux. Réplique qui ne fera certainement allusion au fait qu’une trentaine de journalistes et une cinquantaine d’internautes demeurent emprisonnés, malgré le fait que les autorités avaient promis « une totale liberté de presse » avant et pendant les JO, comme le rapporte Reporters sans frontières. Hill & Knowlton évitera sans doute de faire allusion à cet autre fait qu’environ 180 correspondants étrangers ont été « interpellés, agressés ou menacés » dans l’Empire du Milieu en 2007.

Amnistie Internationale vient d’ajouter une note à ce concert discordant de dénonciations en publiant un rapporte dévastateur : « Droits humains en Chine – Le revers de la médaille » (Editeur : Autrement, collection « frontières »). Parce que les JO semblent favoriser un recours accru à la détention administrative, du moins à Pékin, et la poursuite de la répression – à l’encontre d’avocats et de journalistes de premier plan – Amnistie Internationale se devait de faire le point sur la « rééducation par le travail » et la « détention administrative », ainsi que sur la situation globale des défenseurs des droits humains en Chine. Amnesty International en association avec d’autres organisations, dans le cadre du « Collectif Chine JO 2008 », adresse huit revendications au gouvernement de la Chine pour que les valeurs de l’Olympisme ne se résument pas uniquement à des Jeux mais à une réelle garantie du respect des droits humains. La liste des répressions s’allonge : recours persistant à la peine de mort, à la rééducation par le travail et autres formes abusives de détention administrative, torture, harcèlement des défenseurs, censure des médias et d’internet, expulsions forcées, répression des minorités ouïghoures et tibétaines, mouvements religieux et spirituels réprimés.

En même temps que se déroulent ces manifestations contre la répression des droits de l’homme, il y a l’autre côté de la médaille. Le Comité britannique avait récemment tenté de réduire au silence les athlètes tentés par la défense des droits de l’homme, avant de faire marche. Début février, il demandait aux athlètes s’engager par écrit à « ne pas faire de commentaires sur toute question politiquement sensible ». Face à la réaction internationale qu’a suscitée une telle demande, le comité britannique a dû s’expliquer : « Nous n’avons jamais eu l’intention de restreindre la liberté d’expression des athlètes », assure aujourd’hui la porte-parole du Comité, Myriam Wilkins. « Notre intention était plutôt de rappeler les règlements de la Charte des Jeux Olympiques à nos athlètes, nombreux à participer aux Jeux pour la première fois ». Sauf que… cette interprétation n’est pas la même partout.

Comme l’indique France24, plusieurs comités – suédois, canadien, italien, tchèque – font la démarche inverse. Le Comité olympique belge a ainsi tenu à rappeler dans un communiqué de presse que « tout participant a et aura pendant les Jeux le droit de s’exprimer à titre personnel sur les questions qu’il considère comme étant importantes ». Le Comité norvégien, est allé encore plus loin en organisant des séminaires d’information pour les athlètes sur les libertés, les droits humains et la situation politique en Chine. Martin Hahfsal, son porte-parole, explique que les athlètes norvégiens « sont encouragés à faire preuve d’ouverture et à exprimer leur engagement ».

En Belgique, François Gourmet et Veerle Verghaere, respectivement deuxième décathlonien et championne du 3000m steeple, se sont engagés en faveurs des droits de l’homme à l’invitation des partis écologistes belges. Les Verts flamands et francophones, accompagnés de leur section jeune, écolo-J et Jong Groen !, ont, au début de février, mené une action devant les bâtiments du Comité Olympique et Interfédéral belge (COIB) à Bruxelles. Une délégation verte a remis en mains propres une série de revendications aux représentants du COIB, pour des jeux plus propres et plus verts. Selon les Verts, en plus de s’engager pour les droits de l’homme, la Chine avait également promis d’organiser des Jeux « verts », mais la pollution atmosphérique au-dessus de Pékin est et reste épouvantable. 80% de l’énergie consommée en Chine reste produite par des centrales à charbon particulièrement polluantes.

Dans leur démarche, les Verts notent avec satisfaction que le Conseil d’Administration du Comité Olympique et Interfédéral belge (COIB) a décidé d’autoriser les athlètes belges à s’exprimer publiquement sur la situation en matière de respect des droits de l’Homme en Chine. Mais déplorent un certain interdit entourant les athlètes : « Nous apprécions ce premier pas dans la bonne direction, mais nous regrettons aussi que les athlètes soient interdits de parole dans le cadre officiel des Jeux (stades et villages olympiques). Le COIB se réfère à la Charte Olympique, mais celle-ci fait uniquement référence à des opinions de nature politique, alors qu’un appel général au respect des droits de l’Homme dépasse largement le cadre politique », ont déclaré Les Verts dans leur communiqué.

Pendant ce temps, à Beijing

Dans un très officiel communiqué, le même ministère des Affaires étrangères informe la presse mondiale, que : « Beijing est en train de redoubler d’efforts pour régler ses problèmes d’environnement et de circulation afin de pouvoir fournir un environnement agréable à tous les participants aux Jeux olympiques de 2008 ». « Le peuple chinois tout entier, et surtout les Pékinois, accueillera à bras ouverts les entraîneurs, les sportifs et les spectateurs venus des divers pays du monde », a-t-il ajouté

Le peuple tout entier? En janvier dernier, Le Beijing Morning Post annonçait que la ville de Pékin entendait nettoyer ses quartiers et les rues de ces « traîne-la-patte » qui font déshonneur et qui font désordre : « des patrouilles traqueront donc 24 heures sur 24 heures non seulement les mendiants, mais aussi les trafiquants de toutes sortes, les distributeurs de publicités et les conducteurs de tricycles illégaux ». Il fallait sans doute s’y attendre : la place Tiananmen sera particulièrement ciblée par ces rafles policières.

Vidéo : Amnistie Internationale – Signatures


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11 responses

18 02 2008
Françoise

Il y a longtemps, si ce n’est de toujours (je pense aux JO de Berlin en 1936 par exemple), que les JO ne sont qu’une vitrine pour les pays qui les organisent. Donc la « vitrine » doit être particulièrement alléchante.

Il ne faut surtout pas évoquer les choses qui fâchent. Tout doit aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles…

18 02 2008
guy

Un petit mot au passage.
Jacques Rogge, président du CIO, déclarait en avril 2002 à la BBC : « Nous sommes convaincus que les jeux Olympiques amélioreront la situation des droits humains en Chine. »
Depuis …silence !

18 02 2008
Pierre Chantelois

Françoise

Je voulais soulever à nouveau le cas des Jeux Olympiques de Pékin en raison notamment de la chape de plomb qui s’est abattue en Chine même sur la démission de Steven Spielberg. Voilà un autre gros mensonge avec lequel il nous faudra bien composer. D’autre part, l’Angleterre qui a tenté d’imposer le silence à ses athlètes est assez révélateur de cette complicité, pour ne pas dire de cette duplicité, des pays partenaires de la Chine.

Guy

Je ne connaissais pas cette citation de Jacques Rogge. Elle ajoute toute une dimension à la problématique des Jeux en Chine. Merci.

Pierre R. Chantelois

18 02 2008
Posuto

Pierre,

Dites moi ce que vous en pensez, mais je pense qu’à part un boycott franc et massif qui taperait la Chine où elle peut avoir mal, c’est à dire au portefeuille, toute protestation ou manifestation purement symbolique est une excuse qu’on se donne pour aller là-bas avec la conscience tranquille.

RV

18 02 2008
clusiau

Les premiers à se désister devraient être les athlètes eux-mêmes, ces putes orgueilleuses qui ne rêvent que de podium et de célébrité.

Le sport, à quoi ça sert s.v.p. ? À brailler sous des des drapeaux la main sur le coeur ? Quelle hypocrisie.

18 02 2008
Pierre Chantelois

RV

C’est ce que je souhaiterais profondément. Mais deux autres possibilités se présentent à nous : premièrement, que les athlètes, sur place, en Chine, multiplient les déclarations invitant ce pays à modifier sa politique des droits de l’homme. De telles déclarations répétées à tous les jours feraient terriblement mal au régime en place. L’autre possibilité, qu’aucun chef d’État ou élu de quelque pays que ce soit, qui tient pour important le respect des droits de l’homme, n’annonce sa venue en Chine. La dernière possibilité est illusoire, vous le comprendrez bien, intérêts économiques obligent.

Clusiau

Ce n’est pas faux.

Pierre R. Chantelois

19 02 2008
Annie

tout ca n’est que faux semblant, ne pas perdre la face, au risque d’agraver la situation des plus pauvres qui sont dans les 60 % a plus, de la population. Bien sur ce ne sont que ceux qui pourraient depasser des banlieues de Pekin qu’on veut faire disparaitre… les jeux n’ont jamais amenes la democratie ou que ce soit, les champions sont trop en mal de vedettariat et de performance : Football en en pleine dictature sanglante en Argentine, Berlin… et un noir courra bien.

19 02 2008
Pierre Chantelois

Annie

Merci de votre visite et de votre commentaire. Concernant les banlieues, vous avez raison. Et l’idéal olympique ne va pas jusqu’à installer la démocratie dans certains pays totalitaires, hôtes de l’idéal olympique, tel la Chine, ainsi que l’instauration des droits humains.

Pierre R. Chantelois

19 02 2008
Caroline

Quand je me mets à contester les JO de Pékin, on me traîte d’anti-sportive. Certes, le sport pratiqué, le cul dans un fauteuil devant la télé, ce n’est pas trop mon truc. Mais, je pratique. Surtout le jogging régulier pour entretenir la forme et participe à quelques courses. D’ailleurs, pour celles que j’envisage de faire au printemps, je me suis équipée. J’ai acheté le T-shirt de Reporter sans Frontière. Il faut continuer à dénoncer ce qui se passe en Chine, même si nous serons une minorité écrasée par le rouleau compresseur Coca-Cola, grand sponsor de la manifestation. Les JO sont une aubaine pour tous les gouvernements qui, pendant que leur peuple sera anesthésié devant les télés à regarder des exploits sous traitement médical, ils pourront faire passer comme des lettres à la poste quelques réformes impopulaires. Au nom de ceux qui souffrent en Chine, ne nous laissons pas anesthésier.

19 02 2008
Caroline

Et puis, il y a d’autres raisons que les droits de l’Homme de boycotter les JO de Pékin : http://sexes.blogs.liberation.fr/agnes_giard/2008/02/un-parti-politi.html

21 02 2008
ebolavir

« « des patrouilles traqueront donc 24 heures sur 24 heures non seulement les mendiants, mais aussi les trafiquants de toutes sortes, les distributeurs de publicités et les conducteurs de tricycles illégaux ». Il fallait sans doute s’y attendre : la place Tiananmen sera particulièrement ciblée par ces rafles policières.  »

C’est amusant, quand on est sur place, de lire quelqu’un qui a lu les journalistes qui ont écrit ce que leur direction leur a demandé d’écrire. Or la demande du jour est à la répression accrue à l’occasion des Jeux Olympiques.

En fait, cette répression est annoncée en permanence, avec très peu d’effet, parce que les policiers, qui font partie du peuple chinois, savent nuancer les consignes qu’on leur donne.
Par exemple, place Tian’an men, on ne voit jamais de mendiants (par contre, on y rencontre beaucoup d’arnaqueurs et d’arnaqueuses) parce que ce n’est pas toléré dans cet endroit, et les mendiants le savent. De même on n’y verra pas d’éventaire de DVD pirates sur un tricycle. Il faut aller dans les rues un peu plus loin.
On ne verra pas non plus sur une grande avenue un conducteur de moto-pousse-pousse faire la sieste tout nu dans son véhicule, c’est un endroit où il faut bien se tenir, et les policiers réveilleraient le contrevenant, quitte à pousser le tout à l’écart s’il est ivre-mort.

Et surtout pas de rafles. En présence des hôtes étrangers tout doit se passer dans la correction. Une des grosses craintes du pouvoir, pour ce que je sais, c’est la multiplication de mini-manifs (parfaitement légales sur le papier): un paysan évincé ou un locataire d’immeuble qu’on va démolir se paie le voyage jusqu’au centre de Pékin. Là il déploie sa petite banderole ou brandit le panneau où il décrit son malheur. J’ai vu faire. Les policiers se précipitent et le persuadent de tout remballer, pendant que d’autres essaient d’inquiéter les touristes à appareil photo qui ont remarqué quelque chose. Ca dure un instant, et il n’y a pas d’arrestation, spectacle désagréable et dangereusement photogénique. On essaie de les détecter et de les intercepter avant.

Ce sur quoi il faudrait écrire, c’est le projet d’arrêter tous les chantiers en ville pendant les Jeux (poussière et bruit), et donc de renvoyer à la campagne les ouvriers qui logent sur place (il y a quelques années sous la tente, maintenant dans des préfabriqués). Ces ouvriers se promènent fièrement dans la rue, en bleu avec le casque jaune sur la tête. Ce sont des gens costauds qui ne se laissent pas facilement effrayer. En plus, ils se tiennent mal, se montrent du doigt l’un à l’autre les étrangers rigolos à regarder, crachent par terre, et s’asseyent sur les marches des édifices publics pour manger leur gamelle quand ils en ont assez du chantier. Une image de la Chine qui fait encore plus peur aux cadres que les chauffeurs de taxi qui remontent leur pantalon pour être à l’aise.

A côté de tout ça, l’inquiétude quant aux manifestations en faveur des droits de l’homme est une préoccupation marginale, quelque chose qui se gère sans problème. Si je me balade dans la Cité Interdite avec un tee-shirt « Non au régime dictatorial oppressif de la Chine communiste », personne ne réagira. Qui sait le lire, à part les touristes? Et j’en tirerai une bouffée de gratification. Comme si je passais devant l’Elysée avec une écharpe « Ta ma de, Sakeqi » en caractères.

Digression: le blog de Pierre Chantelois est censuré en Chine. Tout WordPress est censuré en Chine. Mais le site relais qui me permet d’écrire ce commentaire ne l’est pas. Or beaucoup de gens le connaissent ici, il est gratuit, et ça m’étonnerait que les ingénieurs du Great Firewall en sachent moins que moi. En Chine, tout est aussi compliqué qu’en Occident.

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