Barack Obama éclipsera-t-il Nicolas Sarkozy ?

21 01 2009

Des observateurs soulignent qu’il existerait une certaine méfiance de la France, plus précisément de son président, à l’arrivée de Barack Obama en raison de l’ombrage qu’il pourrait créer sur l’Élysée. Antoine Guiral, de Libération, écrit notamment : « L’arrivée d’Obama signifie le retour des États-Unis dans la diplomatie internationale et la fin de la parenthèse Sarkozy ». Et plus incisive est cette remarque du journaliste de Libération : « Dans le monde, Obama suscite un espoir quand Sarkozy soulève surtout de la curiosité à travers son épouse Carla, ses mauvaises manières ou son énergie à revendre ».

Que réserve l'avenir ?

Que réserve l'avenir ?

Barack Obama éclipsera-t-il Nicolas Sarkozy  ?  Encore faut-il placer Nicolas Sarkozy au même diapason que Barack Obama. La réponse vient peut-être des Français eux-mêmes. Selon un récent sondage, 70% des Français ont déclaré avoir une bonne opinion de Jacques Chirac. Bernard Kouchner est bien vu par 71% des personnes sondées. En revanche, Nicolas Sarkozy ne recueille que 46%, soit 24% de moins que son prédécesseur.

Tout se passe comme si la France n’avait pas existé avant l’arrivée de Barack Obama. La France a eu ses heures de gloire avec des présidents qui élevaient les qualités de leur fonction. Depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy, après une multiplication de déclarations toutes plus indélicates les unes que les autres, la France a perdu de son lustre. N’en déplaise à qui que ce soit, l’allocution visionnaire de Dominique de Villepin aux Nations-Unies, sur le refus de déclencher une guerre en Irak, est un moment historique, apprécié des Nations non alignées et dépréciée en France. C’était sous Jacques Chirac.

La conception de la présidence française de Nicolas Sarkozy irrite profondément. Personne n’est dupe que le président de la République veut marquer l’histoire à grands traits grossiers de réussites approximatives. Pour Nicolas Sarkozy, l’Europe c’est la France. Et la France c’est l’Europe. Il est pressé. Et il n’hésite pas à formuler des remarques peu subtiles à l’égard du nouveau président des États-Unis, Barack Obama. « On ne peut pas attendre que les États-Unis aient froid pour mettre un cache-col. Il faut agir vite. Dire qu’il faut accorder du temps au temps, c’est l’argument de ceux qui ont renoncé à tout. Quand je pense que vous disiez qu’à la fin de ma présidence européenne j’allais subir une dépression profonde, que je serais incapable de prendre des initiatives … ». À propos du prochain sommet du G20 à Londres, le 2 avril, Nicolas Sarkozy déclare que « l’Europe aura une position commune et forte ». Il adresse ce message à Barack Obama : « On n’acceptera pas un sommet qui ne décide pas ». Déclaration plutôt téméraire pour un Nicolas Sarkozy qui a quitté la présidence en alternance de l’Union européenne.

L’homme pressé trébuche. L’homme serein agit. Pour Barack Obama, il en va autrement : « Le monde a changé, et nous devons changer avec lui. (…) L’importance du gouvernement est indéniable. Mais ultimement, l’Amérique dépend de la foi et de la détermination de ses citoyens ».

Le dire c’est faire injure aux Français qui ne le savent que trop bien : Nicolas Sarkozy est un homme de paradoxes. Je paraphraserais cette citation célèbre de Charles de Gaulle : « Comment voulez-vous gouverner un pays quand son président a 246 idées paradoxales de la France  ?  »

Deux déclarations de Nicolas Sarkozy montrent à quel point le temps ne se conjugue qu’au présent avec l’homme. Le Figaro rapporte qu’à un journaliste qui lui demandait s’il enverrait un message de félicitation à Barack Obama, le président a répondu : « On a hâte qu’il se mette au travail et qu’on change le monde avec lui ». Qui est ce « on » ?  Nicolas Sarkozy ou l’Europe  ?  Dans un même temps, et toujours selon la même source, le Figaro, Nicolas Sarkozy se rend à Sourdun, près de Provins (Seine-et-Marne), commune durement touchée par le départ du 2e régiment de hussards. Peu sensible à la détresse qu’il trouve sur place, il profite plutôt de l’occasion pour stigmatiser les « conservatismes » qui font obstacle à ses réformes. Et le président de tous les Français ajoute, imperturbable, que « sur la ligne, sur la stratégie, sur la volonté d’aller de l’avant, on n’a pas d’états d’âme, parce qu’il n’y a pas d’autre stratégie ». Le président s’est dit préparé à cela : « J’écoute mais je tiens pas compte ». Cette petite phrase traduit la conduite même du président de la France à l’égard de tout ce qui se démarche de ses objectifs en propre. Que ce soit en France ou à l’égard de l’Union européenne.

Cet aveu présidentiel est-il surprenant  ?  Surtout en démocratie. Changer le monde oui, écouter la voix de son peuple, non. Changer le monde, oui. Écouter autrui, non. Position on ne peut plus éloignée de ce qu’écrivait Barack Obama dans la préface de « The Audacity of Hope » : « Je suis un canevas vierge sur lequel des gens de convictions politiques très différentes projettent leurs propres visions ».

Dans la voix du nouveau président des États-Unis, aucune déclaration tonitruante n’est venue compromettre son investiture. Il n’en sent guère le besoin. Une tranquille assurance en fait depuis des mois un leader charismatique. Nul besoin de s’agiter. Au contraire. Il se veut le rassembleur au sein d’une nation mosaïque. Nulle déclaration enflammée ne lui est apparue nécessaire pour asseoir son autorité. Selon Louis Balthazar, président de l’Observatoire sur les États-Unis à l’Université du Québec à Montréal, le nouveau président fera preuve de retenue. « Ce ne sera pas une présidence impériale ». Dominique de Villepin croit que, comme le rapporte Le Figaro, « le monde a besoin d’un nouveau leadership, je veux souhaiter qu’il puisse être au rendez-vous », car « il y a une attente phénoménale au niveau de la planète ». Barack Obama est une figure qui pourra « réconcilier le sud et le nord ». « Barack Obama occupera toute sa place, je souhaite que Nicolas Sarkozy occupe la sienne, mais on occupe pas une place contre quelqu’un ». Et de conclure : « pensons à notre objectif, ne pensons pas à notre image ».

« The Buck stops here », pouvait-on lire sur le bureau d’Harry Truman, président des États-Unis de 1945 à 1953. Obama est tout le contraire de George W. Bush qui a concentré le pouvoir au sein de l’exécutif à un point tel qu’on a qualifié sa présidence d’«impériale», explique le professeur Baltazar au quotidien québécois Le Soleil. « Obama écoute, il est nuancé, il fait confiance et il délègue. Et, en plus, on sent qu’il est fort, qu’il a du caractère. Il donne l’impression d’être un chef idéal ». Cette analyse du professeur Baltazar semble correspondre à celle de Pierre Moscovici : « Le nouveau président américain a une vertu que Nicolas Sarkozy ne possède pas : c’est un homme serein, un homme calme, c’est un homme qui apaise, qui veut rassurer, rassembler, exactement le contraire de Nicolas Sarkozy qui parfois s’agite un peu et qui a plutôt une tendance à vouloir cliver et à créer sans arrêt des antagonismes ».

Philippe Braud, politologue à Sciences Po Paris, dans une entrevue accordée à l’agence France Presse, anticipe un « choc spectaculaire des styles » entre un Sarkozy « actif, sinon activiste » et un Obama « posé et soigneusement réfléchi ». « Le contraste risque d’être permanent entre l’impulsivité de l’un et la force tranquille de l’autre ». Le politologue relève « l’exceptionnelle séduction personnelle » du nouveau président américain.

Barack Obama s’installe à Washington, une ville reconnue pour des records peu enviables (55 % de la population est noire) en termes d’incarcération, de crimes violents, d’abandon scolaire. Un des premiers gestes de Barack Obama a été de profiter de la journée fériée de lundi, en hommage à Martin Luther King, pour inciter ses concitoyens au bénévolat en jouant les peintres dans un centre pour jeunes en difficulté de Washington. Pas de karcher, ici. Son discours est simple : il promet de réunir républicains et démocrates, libéraux et conservateurs, Blancs et Noirs, sous le grand thème de l’Espoir. Il s’inspire de Martin Luther King : « J’ai un rêve que mes quatre enfants habiteront un jour une nation où ils seront jugés non pas par la couleur de leur peau mais par le contenu de leur caractère. J’ai un rêve aujourd’hui ». « Barack Obama carbure à l’ambition. Pas à l’argent », écrit Isabelle Hachey, du quotidien La Presse. Jusqu’à ce qu’il se lance dans la course au Sénat des États-Unis, il ne portait que trois ou quatre costumes – et des chaussettes usées aux talons, raconte David Mendell dans son livre, Obama, From Promise to Power.

Nicolas Sarkozy proposait une rupture avec le passé. Barack Obama, pour sa part, fidèle aux idéaux de nos ancêtres,a rendu hommage aux pères fondateurs de la nation américaine devant des milliers de personnes réunies à Washington. Aucun faux pas n’a marqué son allocution. Alors que le gouvernement français s’empêtre dans des quotas d’immigration et d’expulsion, Barack Obama se veut rassembleur et unificateur : « Ce qui me donne l’espoir par dessus tout, ce ne sont pas les pierres et le marbre qui nous entourent, mais ce qui remplit les interstices. C’est vous, Américains de toutes les races, venus de partout, de toutes conditions, vous qui êtes venus ici parce que vous croyez en ce que ce pays peut être ».

Lors de ses vœux annuels, prononcés lundi, Nicolas Sarkozy a avoué que « la France n’est pas le pays le plus simple à gouverner du monde ». Pour reprendre les mots de Barack Obama, lors de son assermentation, « la question n’est pas de savoir si le gouvernement est trop grand ou trop petit. Elle est de savoir si le gouvernement fonctionne. S’il permet aux familles de trouver des emplois payés décemment, de se payer des soins de santé et une retraite digne ». Question sur laquelle le président Sarkozy serait bien avisé de réfléchir.

Comme l’écrit Mourad Guichard de Libération : pour Nicolas Sarkozy, « l’insécurité est la première des inégalités ». Il l’a dit et répété. Et lui est là pour « protéger » les Français des affres de l’insécurité, tout comme il les protège « contre les méfaits de la crise financière » et « contre la crise économique et sociale qui en a découlé ». Il protège également « leur santé avec la loi sur l’hôpital », mais aussi leurs « libertés individuelles en lançant une réforme de la procédure pénale ». Et enfin, le président ne peut s’exonérer de « protéger la paix » dans le monde en proposant aux belligérants Proche orientaux un plan « équilibré ».

Qui trop embrasse mal étreint. Les résultats en attestent : en janvier 2009, la popularité de Nicolas Sarkozy a baissé d’un point, pour se situer à 45%, celle du Premier ministre François Fillon a reculé de cinq points, pour se situer à 46%, selon le baromètre Ipsos, publié par Le Figaro. Une portion importante de 51 pour cent des personnes interrogées a une opinion défavorable de Nicolas Sarkozy. Selon un autre sondage, réalisé par l’IFOP, paru dans l’hebdomadaire Paris-Match, 53% des personnes sondées désapprouvent l’action du président de la République et un même pourcentage approuve celle du Premier ministre.

Est-ce l’effet Obama qui inspire les Français  ?  Toujours est-il que 85% de ces derniers seraient prêts à voter pour un candidat appartenant une minorité visible à l’occasion d’une élection législative, selon un sondage publié mardi par l’institut CSA pour l’institut Montaigne.


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10 responses

21 01 2009
Gilles

Pierre a écrit :
Personne n’est dupe que le président de la République veut marquer l’histoire à grands traits grossiers de réussites approximatives.

C’est parce qu’il est lui-même grossier et approximatif ! Quant au sondage à l’effet que les Français voteraient pour un candidat appartement à une minorité visible, ils ont voté pour Sarkozy, qui fait partie d’une minorité visible : les clowns vaniteux.
 

21 01 2009
Pierre Chantelois

Gilles

Relativement à la remarque sur une minorité visible, je dois dire que je me suis bien amusé.

Pierre R.

21 01 2009
Françoise

Pierre,
 
La comparaison est douloureuse… Je suis effarée des remarques de Mr Sarkozy. Il se ridiculise, mais plus grave il ridiculise à travers lui tout ce qui a fait la France. Et encore, s’il se contentait de cela, nous n’en mourrions pas, mais il démolit systématiquement, pierre à pierre tout l’édifice par ses « réformes ».

Le discours d’investiture de Mr Obama a bien montré qu’il respecte ses concitoyens. En France cela n’est plus de mode…

21 01 2009
clusiau

….Toujours est-il que 85% de ces derniers seraient prêts à voter pour un candidat appartenant une minorité visible à l’occasion d’une élection législative…

Voilà enfin la chance de Dieudonné !

21 01 2009
Pierre Chantelois

Françoise

Difficile j’imagine pour les Français de remonter sans coup férir la pente de l’estime avec le président. Je dois dire qu’il serait bien s’il acceptait de prendre un peu de recul et d’élever les fonctions et les responsabilités qui lui sont confiées. Mais il me semble que cela soit illusoire.

Clusiau

Quel sens de l’humour et de l’ironie 😉

Pierre R.

21 01 2009
Olivier SC

Il ne l’a pas déjà fait ? D’ailleurs, c’est qui NS ?

21 01 2009
posuto

Sarkozy est un beauf et il est le roi des beaufs. Et je suis sûr, hélas, que vu l’état du PS, s’il y avait à nouveau une élection présidentielle, il serait réélu. On a ce qu’on mérite. Notre Obama viendra peut-être. Dans 8 ans ?..
RV

21 01 2009
Pierre Chantelois

Olivier

NS serait-il mieux connu à l’extérieur de la France ?

RV

Je viens de constater qu’il y a beaucoup d’action dans l’hémicycle. Le PS fait des difficultés au président Accoyer ? NS ne sera pas très heureux de la chose.

Pierre R.

21 01 2009
sylvie

On a tous le rêve d’être LE pays qui fait envie, qui motive… La place était vacante jusqu’à hier…. Obama VS Nicolas…. Pas la peine d’envoyer les pronostics!

Il serait temps que la France prenne un peu de hauteur, ça nous rendrait de l’oxygène.

22 01 2009
Pierre Chantelois

Sylvie

Puisse votre vœu être entendu et exaucé.

Pierre R.

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