Lure, Haute-Sâone, se mobilise pour un parrainage républicain avec risques et périls

17 02 2009

Selon le Réseau Éducation sans frontières, la famille Turabi Tatli, de nationalité turque et d’origine kurde, arrive en France en 2001 avec leurs trois enfants, Halil, Gizem et Gözde. La famille obtient, en janvier 2003, une « Autorisation Provisoire de Séjour » pour raison de santé : « Mme Tatli, malade, est suivie régulièrement à Reims. Les soins dont elle bénéficie peuvent être reçus en Turquie mais sous réserve d’en avoir les moyens (ce qui n’est pas le cas) ».

En 2001, M. et Mme Tatli suivent des cours de langue française avec l’AHMI afin de pouvoir s’intégrer rapidement. Dès qu’il en a eu la possibilité légale (en 2003), Turabi Tatli trouve un emploi et réussit à assumer les besoins de sa famille. Habitant Saint-Dizier (Haute-Marne), élevés dans une famille parfaitement intégrée, les deux aînées sont scolarisées dès leur arrivée en France, le plus jeune ayant suivi toute sa scolarité en France. Titulaire d’un CDD dans l’entreprise luronne Keko, le père s’est vu proposer un CDI chez le même patron. Bref, comme l’indique si bien Réseau Éducation sans frontières, La famille est parfaitement intégrée : autonomie, réussite éducative et scolaire des enfants, stabilité.

Tout bascule le 14 janvier 2008. La famille reçoit une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français). Le 28 septembre 2008, la direction du travail émet un avis défavorable à leur encontre. Le 19 février 2009, nous y sommes, la famille a l’obligation de quitter le territoire français.

Photo Gérard Faivre

Photo Gérard Faivre

À la fin d’août 2008, Turabi Tatli, son épouse et leurs enfants, arrivent à Lure. Peu de gens connaissent la détresse de cette famille. Deux raisons motivent ce choix de Lure : l’éducation des enfants et le rapprochement d’autres membres de la famille, un oncle et des cousins. « En raison de l’état de santé de son épouse qui nécessite parfois des hospitalisations et laisse donc les enfants seuls à la maison, cette famille rapprochée pourrait, le cas échéant, être disponible en cas de problème ».

À Lure, en Haute-Sâone, Halil fréquente l’école du Centre. Gözde fréquente le lycée Colomb. Gizem étudie au collège du Mortard. Les parents des trois établissements scolaires ont appris le drame de la famille Tatli. C’est l’incompréhension face à cette « procédurite aigüe » d’un État sans compassion. Consternation et mobilisation débordent le cadre des établissements scolaires. La famille kurde est reçue en mairie ce lundi 16 février à 17 h.

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Photo : Posuto

Le maire de cette municipalité de 8000 habitants, Lure, monsieur Eric Houlley, a décidé de se prévaloir d’une disposition bien spéciale pour soutenir en un fort symbole cette famille kurde en détresse : « le parrainage républicain ». Ce parrainage consiste, la plupart du temps, en une aide active qui peut, notamment, prendre la forme de fourniture de moyens d’hébergement, de subsistance, de documents ou encore de transport. Comme l’explique Arthur Porto, de Médiapart, le sort fait aux personnes dites « sans-papiers » est révoltant par les méthodes, les menaces et l’arbitraire dont elles sont victimes. C’est devant ce constat que des Municipalités, depuis deux trois ans, ont remis à l’ordre du jour le « parrainage civil », crée pendant la Révolution Française « redonnant du corps à notre conception républicaine d’accueil et d’asile qui a toujours été une valeur fondamentale de la France ».

Le déroulement est simple, comme le montre Médiapart : « Le Maire ou son Adjoint accueille dans sa mairie, dans sa ville, et finalement dans notre République, ces personnes sans-papiers. Une carte et un diplôme de parrainage avec le logo de la ville, mentionnant le nom de l’élu et du citoyen qui s’engagent conjointement à les protéger. Les parrains et les marraines sont des personnes qui décident de s’engager solidairement auprès de ces personnes venues d’ailleurs et en s’opposant « aux atteintes et violations des droits des étrangers ».

Michel Charasse, ancien ministre du PS et actuel sénateur du Puy-de-Dôme, est membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation. Jean-Michel Apathie le décrit en ces termes : « Certains jours, Michel Charasse est unique: au micro ou loin du micro, le propos est le même. D’autres jours, Michel Charasse est double: il a, hors micro, des mots très éloignés de ceux qu’il choisit devant le micro ». Le 10 juillet dernier, le sénateur Charesse adresse cette question écrite à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Il l’a prie de : « bien vouloir lui faire connaître si le fait, pour des élus et notamment pour des maires, d’organiser des cérémonies publiques intitulées « Parrainage Républicain » en faveur d’étrangers séjournant irrégulièrement sur le territoire français peut être considéré comme constituant le délit d’aide à séjour irrégulier et donner lieu à des poursuites pénales ».

L’État veille. Il ne peut accepter une dérogation, si minime fut-elle, à l’atteinte de ses quotas d’expulsion. C’est le garde des sceaux et ministre de la Justice qui répond au sénateur Charesse. Elle se déclare particulièrement attentive à la réponse judiciaire apportée dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine qui passe notamment par la poursuite de l’aide à l’entrée et au séjour irrégulier. Ces derniers faits sont définis par l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France qui prévoit que « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros ».

À la lumière des décisions des juridictions pénales et de la jurisprudence de la Cour de cassation, écrit le garde des sceaux, « sont le plus souvent retenus, pour caractériser cette infraction, des agissements consistant en une aide active qui peut, notamment, prendre la forme de fourniture de moyens d’hébergement, de subsistance, de documents ou encore de transport. Pour autant, compte tenu du caractère assez général de l’incrimination, on ne saurait exclure que puisse être retenue comme aide au séjour une abstention délibérée de la part d’un agent public ou d’une personne dépositaire de l’autorité publique qui a le devoir ou le pouvoir de faire cesser une infraction et qui volontairement s’en abstient. Dans ces conditions, et en fonction d’une appréciation concrète des actes de parrainage, l’hypothèse de poursuites pénales sur le fondement de l’aide au séjour irréguliers ne peut être totalement écartée ».

Par solidarité, il faut appuyer la démarche du maire de Lure, monsieur Eric Houlley, des élus et élues locaux et régionaux, de la population et des professionnels et professionnelles de l’enseignement. Ces gens  courageux n’ont pas hésité  à faire appel au « parrainage républicain » pour élever, au-dessus des quotas d’immigration, la vie, l’avenir et le bonheur de la famille Turabi Tatli, bien intégrée dans son milieu. Merci aux Posuto pour l’information et leur engagement.

En rappel, cette vidéo lourde de sens.


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7 responses

17 02 2009
Françoise

Pierre,

Je n’ai pas de mots pour qualifier l’attitude de Mr Charasse (ex-homme de gauche, ancien membre du Parti Socialiste).

Faire acte de citoyenneté dans notre pays à l’heure actuelle est passible, oui, de poursuites judiciaires. Nous en sommes là.

Je vous signale l’histoire de Mario, ou comment mener les gens au désespoir…

Ne doutons pas que Mr Besson (ancien membre du PS lui aussi), notre tout nouveau ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, qui fait preuve d’un zèle admirable, poursuivra avec enthousiasme la politique inspirée par Mr Sarkozy et si bien mis en place par Mr Hortefeux.

17 02 2009
posuto

Merci pour ce relais Pierre. Le combat est dur, mais faut y aller, c’est tout. J’invite tous les amis canadiens qui souhaiteraient suivre cette affaire à venir sur notre blog, non pas pour faire gonfler nos statistiques mais pour la solidarité ! Il faut souligner le courage d’Eric Houlley notre maire, qui perd des électeurs à chaque parrainage, mais qui s’en moque bien. Je suis fier d’être citoyen de cette ville. Et d’avoir contribué à élire cette équipe.

RV Posuto

PS : où avez-vous trouvé la photo de Gérard Faivre, cher ami ? Elle est bien. Je connais ce journaliste intègre et engagé, il sera ravi de voir son travail ainsi relayé !

17 02 2009
Pierre Chantelois

Françoise

Il m’a semblé que l’intervention de monsieur Charasse était particulièrement intéressée. Poser la question avec cet aplomb revenait à clandestiniser davantage un geste citoyen commis par des élus locaux de bonne foi.

Merci pour l’histoire de Mario qui n’est pas la première et qui ne sera pas la dernière.

RV

En bon professeur, je vous trouve. En bon humaniste, je vous retrouve. Vous m’avez communiqué le goût de la solidarité. Je traite donc aujourd’hui même de ce cas familial. Il faut que nous puissions avec Lure former une grande chaîne qui encerclerait cette petite famille, jusqu’ici, au Québec, pour qu’elle puisse vivre en paix, dans la quiétude et dans l’assurance qu’elle ne fera plus l’objet d’un OQTF. Quel jargon, mon ami.

Pierre R.

18 02 2009
Antoine

Bonsoir Pierre,

Enfin un peu de temps pour venir me consacrer à vos lignes. Toujours autant d’articles intéressant et fort bien documenté. j’aime vraiment votre rédaction, elle est claire et à la porté de tous.

Les sans papiers c’est un peu comme la météo ici, on en entends parler tous les jours, mais les sujets sont rarement approfondis, du moins dans les journaux télévisés. Je souhaite que ce maire et bien d’autres puisse jouir encore longtemps de cette belle initiative, sans être inquiétés. Ce qui me semble toutefois loin d’être envisageable aux vues des politiques actuellement menées en matière d’immigration.

Tout autre chose, vous qui vous intéressé de près à notre Monde, je vous donne un lien, il me semble que c’est récent, mais n’en suis point sur. Et certainement le connaissez-vous, mais on ne sais jamais : Slate, version française.

Françoise l’histoire de Mario c’est le propre de notre histoire commune, j’entends au niveau administratif.
Voici un simple exemple de nos confrontations franco-françaises.
J’ai lu le lien que vous avez donné, et c’est franchement déroutant. Forcément cela met en colère.

P.S. : l’adresse de mon blog a changé, le déménagement est fini, je vai supprimer mon compte sur hautefort, aussi si vous voulez bien modifier l’adresse du lien que vous faites vers mes humbles mots, je vous en serais gré.

Antoine

18 02 2009
Pierre Chantelois

Antoine

Je partage également votre vœu : Je souhaite que ce maire et bien d’autres puisse jouir encore longtemps de cette belle initiative, sans être inquiétés. Je connais depuis peu Slate.fr Je dois vous avouer que je trouve cette presse particulièrement intéressante parce qu’elle sort de l’ordinaire.

La correction a été faite sur le nouveau lien de votre blogue que je fréquente assidument.

Pierre R.

21 02 2009
D. Hasselmann

Oui, un grand bravo à RV, blog Posuto, pour son engagement dans cette affaire significative de la politique de « quotas » (comme pour la viande ou les bananes) du gouvernement Fillon, avec l’impulsion – pour les expulsions – de Nicolas Sarkozy.

Besson, Kouchner, Jouyet (parti gambader ailleurs pour des émoluments plus intéressants), Hirsch… Ils se sont dit « socialistes » un jour ?

A Lure, la résistance ne manque pas d’allure.

26 03 2009
Maxime Eteny Timbiyene

Je suis vraiment beaucoup interessé par votre travail.
En effet,je suis un jeune qui voudrait bien avoir un parrain
car mon avenir en depend.
Pouvez vous m’aider.

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