Stephen Harper, dans l’affaire d’Omar Khadr, est la honte du Canada dans le monde

16 07 2008

Opinion

Qui sont ces agents du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) qui se sont rendus à Guantanamo pour interroger dans la plus parfaite violation des droits de l’Homme Omar Khadr. Pourquoi seraient-ils protégés contre les lois de ce pays puisque leur interrogation s’inscrit en violation flagrante des conventions internationales auxquelles a adhéré le Canada ? J’espère en mon âme et conscience qu’ils vivent bien cet épisode de leur vie. Devoir accompli. Sans responsabilités aucunes pour avoir donné au Canada l’image qu’il mérite aujourd’hui.

Qui est ce grand patron du SCRS qui a laissé de tels abus se poursuivre et se répéter, autant dans l’affaire Maher Arar que dans celle d’Omar Khadr ? Pourquoi n’est-il pas imputable de sa gestion comme devrait l’être tout sous-chef d’un organisme d’État ? Pourquoi deux gouvernements ont-ils permis à cet organisme et à son gestionnaire d’en arriver à un pareil gâchis qui met à mal la réputation du Canada à l’égard du respect des droits de ses ressortissants à l’étranger ? J’espère que ce grand patron du SCRS, qui a vécu grassement des deniers canadiens, vit sans trop de remords cette incompétence notoirement dénoncée par les tribunaux et les organismes voués à la défense des Droits de l’Homme.

Qui est ce représentant des Affaires extérieures qui a assisté à cet interrogatoire bidon, avec la bienveillance des États-Unis qui ont préparé « le sujet », et qui s’est enfermé dans un silence complice pendant toutes ces années ? J’espère en mon âme et conscience que ce fonctionnaire vit bien cet épisode de sa vie. Devoir accompli. Lui aussi n’assume aucune responsabilité pour avoir donné au Canada l’image qui circule dans le monde entier.

Qui était le ministre libéral, responsable du SCRS, au moment de l’emprisonnement d’Omar Khadr à Guantanamo ? N’a-t-il rien à dire pour expliquer son silence, sa complicité avec les États-Unis d’Amérique qui ont créé Guantanamo que pour une seule raison : soustraire des êtres humains à leurs droits à un procès juste et équitable ? Pourquoi ce ministre libéral de l’époque ne s’exprime-t-il pas aujourd’hui pour faire un mea culpa face à cette incurie inacceptable ?

Comment croire le Parti libéral du Canada, qui dénonce l’actuel gouvernement conservateur, et qui est incapable de faire un examen de ses propres responsabilités dans ce dossier qui relève des violations flagrantes des droits humains ? Comment croire le Parti libéral du Canada qui s’est aligné également sur les États-Unis d’Amérique pour priver un enfant-soldat d’un procès juste et équitable ? Stéphane Dion a déclaré qu’il n’était pas au courant de ces mauvais traitements avant d’en être informé par les médias. Pourquoi les ministres, dont Stéphane Dion, présents au sein du cabinet du gouvernement libéral, sont incapables de reconnaître aujourd’hui leur propre turpitude dans ces dérapages inacceptables et pourquoi ce parti discrédité se donne-il aujourd’hui le rôle de donneur de leçon ?

Pourquoi les députés de la Chambre des Communes du Parlement d’Ottawa ne présentent-ils pas une motion exigeant le rapatriement immédiat d’Omar Khadr de Guantanamo, comme l’ont fait tous les pays occidentaux qui avaient des ressortissants emprisonnés dans cet enfer de Cuba ? La Cour suprême des États-Unis a reconnu que l’article 3 commun aux Conventions de Genève ne doit pas être ignoré dans le contexte de la lutte contre Al-Qaeda : « l’expression garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés contenue dans l’article 3 commun aux Conventions de Genève n’est pas définie, mais elle doit être comprise comme comprenant au moins des garanties minimales lors d’un procès, reconnues par le droit international coutumier ».

Pourquoi les députés de la Chambre des Communes du Parlement d’Ottawa se contentent-ils de remettre la faute sur le voisin alors qu’ils sont eux-mêmes impuissants et incapables de renverser un gouvernement minoritaire qui met au rang le plus bas le respect des droits de l’Homme et qui ment effrontément à la population canadienne ?

Stephen Harper, vous êtes la honte du Canada. Ce reproche, que vous adressiez si aisément à Louise Arbour, je vous le renvoie aujourd’hui en raison de votre comportement inhumain, froid, calculateur et intransigeant à l’égard d’un enfant capturé depuis l’âge de seize ans, soumis à la torture des États-Unis d’Amérique, citoyen canadien, qui vit sans procès depuis six ans à Guantanamo. Vous êtes la honte du Canada et l’image du Canada à l’étranger est de votre fait seulement.

Stephen Harper, vous êtes récipiendaire du médaillon d’or du Conseil international B’nai Brith pour avoir lutté contre la discrimination et promu les droits de la personne au Canada et à l’étranger. Vous ne méritez pas cet honneur. Vous vous faites le complice des États-Unis d’Amérique dans un comportement dénoncé par la Cour suprême de ce pays. Vous vous faites le complice d’un président menteur, fourbe, qui n’a eu de cesse de violer, par ses politiques, maintes fois dénoncées, les droits de l’Homme.

Stephen Harper, vous avez dénoncé Robert Mugabe pour s’être livré à cette « laide perversion de la démocratie ». Stephen Harper, vous vous livrez vous aussi à une « laide perversion de la démocratie » en vous alignant béatement sur un pays qui ne cesse de violer les droits de l’Homme. Vos propres tribunaux, ici même au Canada, vous l’ont reproché sévèrement.

Vous reprochez à un dictateur africain de violer sa constitution. Et vous tolérez que soit violée la Charte des droits et libertés du Canada. Vous restez sourd au fait qu’un juge de la Cour fédérale du Canada a statué que le traitement réservé par les autorités militaires américaines au jeune Omar à la base de Guantanamo allait à l’encontre des lois internationales sur la torture.

Stephen Harper, savez-vous ce que signifie la torture ? Et pourtant, vous avez-vous aussi menti à votre population en soutenant qu’Omar Khadr était bien traité à Guantanamo. Nous avons maintenant la preuve que vous mentiez effrontément. Et vous vous permettez de vous ériger en donneur de leçon et de moralité au sein du G8.

Stephen Harper, savez-vous ce qui circule dans le monde entier sur Omar Khadr ? Cela vous importe peu, obnubilé que vous êtes à vous dépêtrer de vos propres scandales. Voici un exemple des commentaires que commencent à diffuser la presse mondiale : « Contrairement à tout ce que le public canadien a entendu sur Omar Khadr, on ne voit pas du tout sur ces enregistrements un terroriste dangereux mais plutôt un jeune Canadien blessé, effrayé, qui exhorte les représentants canadiens à l’aider ».

Stephen Harper, revoyons brièvement ces scandales, comme le rappelait Manon Corneillier, du quotidien Le Devoir : « L’affaire Mulroney-Schreiber, l’affaire Cadman — du nom de ce député mourant à qui les conservateurs auraient offert une assurance vie en échange de son vote pour défaire le gouvernement Martin –, l’affaire Bernier-Couillard, la perquisition au quartier général du Parti conservateur dans le cadre d’une enquête d’Élections Canada sur les dépenses électorales de la formation, la fuite d’une note diplomatique mettant le candidat démocrate à la présidence américaine Barack Obama dans l’embarras, le projet de loi menaçant le financement de productions audiovisuelles, la dénonciation croissante du sort réservé à Omar Khadr détenu à Guantánamo… ».

Stephen Harper, que vous importe que la défense et des juristes internationaux ont fait valoir à maintes reprises qu’Omar Khadr devrait être traité comme un enfant-soldat ? Avec vos habits de cow-boy, vous avez promis, dimanche, au Stampede de Calgary plus d’actions pour le maintien de la loi et de l’ordre. Vous avez promis de vous attaquer au « problème criant de la violence criminelle chez les jeunes ». C’est ce discours d’extrême-droite qui vous guide dans votre choix de ne pas donner une chance à Omar Khadr d’avoir au Canada un procès juste et équitable.

Stephen Harper, le message que vous envoyez à Omar Khadr, un enfant soldat, est le même que celui que vous avez adressé à la jeunesse canadienne lors de votre visite au Stampede de Calgary : « Nous devons envoyer le message que les jeunes qui enfreignent la loi seront tenus responsables de leurs gestes. C’est ce que nous comptons faire au cours de la prochaine session ».

Stephen Harper, puissions-nous souhaiter que vous viviez bien avec votre conscience, avec vos scandales, avec votre absence de compassion, avec vos leçons de moraliste d’une droite complètement anachronique. Puissions-nous souhaiter que la population canadienne se souvienne, très prochainement, que votre gouvernement prend prétexte de fausses garanties des États-Unis d’Amérique, sur le traitement accordé à Omar Khadr, pour le maintenir en détention à Cuba.

Stephen Harper, vous ne défendez pas vos citoyens et vos citoyennes, vous défendez les intérêts des États-Unis d’Amérique. La population devrait s’en souvenir. Vous saviez. Vous saviez que les responsables américains avaient indiqué au représentant canadien que l’adolescent avait été privé de sommeil pendant trois semaines, afin qu’il soit plus docile lors des interrogatoires. « Toutes les trois heures, il est transféré dans une autre cellule, le privant ainsi de sommeil ininterrompu », précisait le compte-rendu officiel canadien.

Stephen Harper, vous saviez. Le juge canadien, Richard Mosley, avait, dans son jugement, indiqué que les méthodes employées par les instances militaires américaines pour préparer Omar Khadr en vue d’interrogatoires, en présence de représentants du gouvernement du Canada, et telles que décrites dans un document remontant à 2004, n’avaient pas respecté les lois sur les droits de la personne, notamment la Convention de Genève. « Il sera bientôt placé en isolement et interviewé à nouveau », avait précisé Scott Heatherington, le directeur de la division de renseignements étrangers des Affaires étrangères dans sa note du 20 avril 2004.

Conscient qu’une telle initiative causerait du tort aux relations entre le Canada et les Etats-Unis, le juge canadien, Richard Mosley, a déclaré que ces répercussions seraient contrebalancées par le fait que les techniques d’interrogatoires des autorités militaires à Guantanamo relèvent maintenant du domaine public et font l’objet de débats. C’est également la première fois que le Canada est directement impliqué dans des actes de torture.


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11 responses

16 07 2008
Françoise

Pierre,
 
Vous êtes bien généreux d’accorder à tout ce beau monde une « conscience ». Ils vivent sans remords et dorment du « sommeil du juste ».

16 07 2008
Pierre Chantelois

Françoise

Je ne vous cacherai pas ma profonde exaspération devant ces gouvernements de droite à l’idéologie anachronique qui donne des leçons de démocratie et de Droits de l’Homme et qui, à la première occasion, cautérise une classe particulière de la société, les jeunes contrevenants.

Je ne juge pas Omar Khadr. Ce n’est pas mon rôle. Je ne souhaite pas qu’il soit soustrait à la justice. Je veux qu’il ait un procès juste et raisonnable au Canada. Ce que ne veulent pas les conservateurs car Omar Khadr pourrait être déclaré innocent en raison des manipulations de preuve qu’ont pratiquées les États-Unis d’Amérique.

Les parents étaient près d’Oussama Ben Laden. À treize ans, Omar Khadr est allé dans un de ces camps de formation pour obéir à son père !!! Après six ans, les États-Unis d’Amérique qui n’ont pas été foutus de mener un seul procès s’en prennent maintenant à un… enfant, avec la bénédiction de Stephen Harper.

Stephen Harper est une calamité. Une honte. Je ne le dirai jamais assez. S’aligner sur un président dévoyé comme Georges W. Bush donne la grandeur de l’individu.

Pierre R. Chantelois

16 07 2008
Françoise

Pierre,

Je comprends et je partage votre colère et votre indignation.

Nous avons ici, le même discours à la virgule près, sur les jeunes délinquants avérés ou « en devenir ». Nous nous dirigeons vers une justice et une politique d’incarcération « à l’américaine » pour les mineurs.

16 07 2008
Pierre Chantelois

Françoise

Merci pour le lien. J’aime cette citation : « Être un vaurien vaut mieux que n’être rien ».

En mai 2008, la Cour suprême du Canada reconnaissait, au paragraphe 62 de son jugement, que : « Il est largement reconnu que l’âge influe sur le développement du jugement et du discernement moralc. Le plus haut tribunal de notre pays citait à l’appui de sa décision le commentaire du professeur Allan Manson selon lequel le principe général qui s’applique aux jeunes contrevenants […] veut qu’un manque d’expérience de la vie justifie qu’on fasse preuve de clémence et d’optimisme quant à l’avenir.

Prétendre, comme le fait Stephen Harper, que les tribunaux d’exception des États-Unis d’Amérique, situés à Guantanamo, vont rendre justice et qu’ils vont prendre en considération ce principe fondamentalement reconnu par la Cour suprême du Canada, est une honte, un mensonge et une barbarie. Le 29 juin 2006, la Cour suprême des États-Unis déclare illégal le tribunal militaire instauré à Guantánamo pour juger les présumés terroristes qui y sont détenus. Le raisonnement de Stephen Harper n’est pas digne d’un homme qui se prétend chef d’État en situation légitime de donner des leçons aux dictateurs d’Afrique. Pour Stephen Harper, « Khadr se trouve dans un processus judiciaire qui doit être mené à terme ».

Les légistes français ont raison de s’opposer : « à une réforme de l’ordonnance de 1945 qui mettrait fin à la spécificité de la justice des mineurs et à la primauté de l’éducation sur la répression à l’égard des jeunes auteurs de délits ».

Pierre R. Chantelois

16 07 2008
clusiau

Pierre mille bravos d’avoir le courage d’affirmer devant tous votre opinion que j’endosse à 100%.

Que s’attendre d’un homme qui est récipiendaire du médaillon d’or du Conseil international B’nai Brith quand on connaît cet organisme pour extrémistes. Cette nomination dit tout.

Stephen Harper, comme Dion et les complices par association, est un salaud et j’espère qu’on aura le courage de tirer Khadr de cette prison. Y a -t-il une pétition kekpart sur le Net pour demander son extradition ? Pauvre homme.

16 07 2008
Françoise

« Prétendre, comme le fait Stephen Harper, que les tribunaux d’exception des États-Unis d’Amérique, situés à Guantanamo, vont rendre justice et qu’ils vont prendre en considération ce principe fondamentalement reconnu par la Cour suprême du Canada, est une honte, un mensonge et une barbarie. »

Guentanamo est la barbarie. Du jour où ce camp a existé (et ce n’est pas le seul, il a au moins un « petit frère » en Irak, et peut-être aussi en Afghanistan) et qu’il a servi à ce qu’il a servie, cela a été la honte et la barbarie. Il y a des taches de sang qui ne s’effaceront pas des mains des dirigeants des États-Unis, ni de celles de leur complices, quels qu’ils soient, complices « actifs’ ou complices par leur silence.

La torture est peut-être une forme d’action « normale » dans l’esprit de certains ? Il faut lire cet article tout récent sur Bakchich : Des privés américains forment l’armée mexicaine à torturer.

16 07 2008
Olivier SC

Je retiens cet article avec les restrictions que je mentionne. Mais votre première réponse, + haut, éclaircie les choses. Merci !

16 07 2008
Pierre Chantelois

Clusiau

Je ne sais pas s’il existe une pétition en route pour exiger le rapatriement d’Omar Khadr. Une chose est certaine, la Chambre des Commune du parlement du Canada ne joue pas son rôle et tous les députés doivent être tenus pour responsables, moralement, de ce dérapage inqualifiable et préjudiciable à l’image du Canada, dans le monde, et au respect des Droits de l’Homme, dont ils devraient être les gardiens.

Françoise

Toujours bien informée. La vidéo de Bakchich est terrible. Exporter et vendre la torture, rien ne me surprend plus avec mon voisin, l’Oncle Sam.

Olivier

J’ai laissé une note sur votre site. Merci de votre confiance.

Pierre R. Chantelois

16 07 2008
Gilles

Pierre a écrit :
Et pourtant, vous avez-vous aussi menti à votre population en soutenant qu’Omar Khadr était bien traité à Guantánamo. Nous avons maintenant la preuve que vous mentiez effrontément.

Il se pourrait que S. Harper soit si naïf qu’il a cru ceux qui lui disaient que les droits des prisonniers sont respectés, à Guantánamo. Quoi qu’il en soit, j’ai vu à la télé hier un ministre du gouvernement Harper [je crois qu’il s’agit du ministre de la Justice] affirmer « qu’après tout Khadr avait commis un crime grave ». Mon hypothèse est que Harper imite Ponce Pilate et préfère que Khadr soit jugé en dehors du beau et propre Canada.
 

17 07 2008
Pierre Chantelois

Gilles

Tout à fait. D’abord, s’il était jugé au Canada, les tribunaux lui reconnaîtraient le statut d’enfant-soldat. Ensuite, en raison de la faiblesse de la preuve qui soutient l’accusation américaine, toutes les chances seraient du côté d’Omar Khadr qu’il soit déclaré innocent pour insuffisance de preuves. Troisièmement, il serait très certainement libre en raison du nombre d’années vécues en prison, à Guantanamo.

Sur la naïveté de Stephen Harper, permettez-moi d’en douter. Si c’était le cas, le Canada serait bien mal servi en termes de protecteur des droits des canadiens à l’étranger.

Le crime grave d’Omar Khadr est que les États-Unis d’Amérique n’ont pu, depuis 2001, mener aucun procès à leur aboutissement relativement à tous les ressortissants qui ont été détenus à Guantanamo. Les États-Unis profitent de la lâcheté de Stephen Harper et de la faiblesse du parlement pour se rattraper.

Pierre R. Chantelois

17 07 2008
clusiau

https://www.amnistie.ca/outils/actions/index.php?ActionID=9

L’adresse pour envoyer, via Amnistie Internationale, une carte électronique à Harper-le-salaud-poltron qui se promenait en chemise de guerre y a pas si longtemps. Bon elle plus plus gentille que moi !

Bonne nuit Pierre.

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